Tu-22 Blinder

Les origines du Tu-22 remontent aux années 1950, lorsque les bureaux d'études de Tupolev et d'Ilyushin commencèrent à étudier le développement de bombardiers stratégiques supersoniques en réponse au Convair B-58 Hustler américain. Dans l'inventaire soviétique, le nouvel appareil était destiné à remplacer le Tupolev Tu-16 Badger. Afin de répondre à la demande officielle pour un bombardier supersonique, Tupolev proposa un modèle entièrement nouveau, désigné Projet 105, au milieu des années 1950. La production d'appareils de présérie débuta en 1960, et l'Union soviétique put présenter le Tupolev Tu-22B au monde lors de la grande parade aérienne de Touchino le 9 juillet 1961. Il fut ensuite nommé Blinder par l'OTAN.

L'apparition du Tu-22 provoqua un certain émoi parmi les responsables militaires occidentaux, sa conception étant non conventionnelle. Contrairement aux bombardiers lourds produits avant lui, le Tu-22 avait une allure futuriste, avec un aérodynamisme soigné visant à atteindre la vitesse la plus élevée possible pour le nouveau bombardier. Des efforts importants furent faits pour intégrer la soute à bombes, le train d'atterrissage et le poste de pilotage. Cette recherche de la vitesse fut un choix clair de privilégier la vitesse à la capacité d'emport afin de pénétrer les défenses des pays occidentaux. Doté d'une configuration à ailes en flèche de 55°, le Tu-22 présentait également un placement unique des moteurs, ses deux réacteurs n'étant pas situés sous les ailes mais à l'arrière du fuselage, à la base de la queue. Cela permit une capacité de carburant accrue et une meilleure efficacité des moteurs. Derrière le poste de pilotage pressurisé, se trouvait un grand réservoir de carburant interne. En termes d'armement, tous les appareils Blinder étaient équipés d'un (parfois deux) canon de 23 mm dans la tourelle de queue et étaient capables d'emporter 9 tonnes de bombes, typiquement des bombes non guidées FAB-500 de 500 kg. Pour remplir leurs missions, les Tu-22B disposaient du système de navigation et d'attaque Rubin-A. Les versions de reconnaissance étaient équipées de caméras et d'équipement de surveillance électronique. Il existe une dizaine de versions connues du Tu-22, les principales étant mentionnées ici.

Versions clés :

• Tu-22B (Blinder-A) : version bombardier dédiée, seulement 15 produits.
• Tu-22K (Blinder-B) : version dédiée à la guerre antinavire, avec un seul missile AS-4 Kitchen/Kh-22 sous le fuselage, avec 4 sous-versions connues (K, KD, KP et KPD) ; 150 produits.
• Tu-22R (Blinder-C) : version de reconnaissance dédiée, avec 5 sous-versions connues (R, RD, RK, RDK et RDM) ; 127 produits, dont la moitié pour l'aviation navale soviétique.
• Tu-22U (Blinder-D) : version d'entraînement dédiée, avec un second poste de pilotage surélevé unique, avec 2 sous-versions connues (U et UD) ; 47 produits.
• Tu-22P (Blinder-E) : dédiée à la guerre électronique et aux missions ELINT, avec 2 sous-versions connues (P et PD) ; 47 produits.
• Tu-22KP : dédiée à la guerre électronique et anti-radar, équipée d'un missile Kh-22P.

Il est à noter que les versions incluant la lettre "D" étaient équipées d'une perche de ravitaillement en vol.

Malgré ses qualités, le Tu-22 fut considéré comme une déception. Le bombardier Tu-22B était inférieur à bien des égards par rapport au Tu-16 qu'il était censé remplacer. La conception du poste de pilotage ne fut pas une réussite : la visibilité était médiocre, l'agencement des commandes était mal fait, et les équipages se plaignaient de l'inconfort de leurs sièges, ce qui posait des problèmes lors des vols longue distance. Ces vols furent en outre compromises par le rayon d'action limité du Tu-22 : 4 900 kilomètres à vide, rapidement réduit en emportant une charge utile. Dans les années 1980, le Tu-22 avait une valeur militaire limitée, ce qui permit son exportation.

En effet, le Tu-22 fut utilisé au combat à plusieurs reprises. Les Soviétiques déployèrent leurs appareils en Afghanistan pour des missions de bombardement. Au moment de la chute de l'URSS, il semble qu'une centaine de Blinder seulement restaient en service, la plupart d'entre eux étant remplacés par les Tu-22M Backfire plus modernes. Actuellement, seule une poignée d'appareils sont encore en service en Russie, principalement utilisés pour la reconnaissance. L'Ukraine retira également du service les appareils qu'elle hérita en 1991. En 1991, la fin arriva également pour les Blinder irakiens. Douze Blinder furent livrés, la plupart furent perdus pendant la guerre contre l'Iran (1980-1988). Ceux qui restaient furent détruits lors des opérations alliées qui suivirent l'occupation du Koweït par l'Irak. La Libye reçut une dizaine d'appareils, qu'elle déploya au Tchad dans les années 1980. Ils se distinguèrent, notamment lors du bombardement de l'aéroport de N'Djamena par un unique Blinder, qui largua trois bombes sur la piste lors d'une attaque à basse altitude le 17 février 1986. Deux Blinder furent abattus en 1987, l'un par un missile français MIM-23 Hawk. Il semble que les Blinder libyens ne soient plus en état de vol. Certains peuvent être vus rouiller à l'air libre sur l'ancienne base aérienne de l'OTAN à Tripoli.

Irak • Libye • Russie • Ukraine • Ex-URSS

Charge de missiles :

• Air-to-Surface Raduga Kh-22 Burya (AS-4 Kitchen)

Charge de bombes :

• Low-Drag JSC NPO Basalt FAB-500